Avant même le lever du soleil, des chants résonnaient déjà à travers le village en ce matin du 14 juillet. La tribu Ngāi Tahu forme un cercle autour d'une effigie en bois dans une large pièce sacrée appelée marae, rendue vivante par les vacillements des torches. Les regards et les voix de ces familles réunies s'élèvent vers un ciel parsemé d'étoiles. Mais parmi cette immensité, une constellation se fait remarquer par son intensité. Elle porte le nom de Matariki, et son apparition dans le ciel du matin marque la nouvelle année pour les peuples maoris en Nouvelle-Zélande. Nous suivons aujourd'hui le jeune Tautahi, enfant unique du chef Huikai, de la tribu Ngāi Tahu. Leur territoire s'étend à l'Est des Alpes néo-zélandaises, jusqu'à la côte est où se trouve aujourd'hui la ville de Christchurch. C'est donc en cet endroit que j'ai pu assister aux célébrations du Nouvel An maori : Matariki.
Tautahi et sa famille sont au milieu du cercle, juste en face de la haute statue de Tāwhirimātea, le dieu du vent. Sa mère brise le silence de la nuit d'un timbre grave, elle raconte en chantant comment ce groupement d'étoiles s'est formé, des milliers d'années auparavant. Second fils de Papatūānuku, la mère terre, et Ranginui, le père ciel, il vécut en harmonie avec ses six autres frères jusqu'à ce qu'une grande dispute n'éclate dans la famille. Ce conflit s'achèvera par la séparation de la terre et du ciel, et Tāwhirimātea entra dans une grande rage, à tel point qu'il arracha ses yeux pour les envoyer dans le ciel. Depuis lors, il ne cessa de chasser ses frères afin de leur faire payer cette fameuse dispute. Ces étoiles plus lumineuses que les autres nous rappelle cet événement. Par ailleurs, Matariki est une contraction de "Ngā Mata o te Ariki Tāwhirimātea", qui signifie "Les yeux du dieu Tāwhirimātea". A la fin de l'histoire, la tribu reprend en cœur une karakia, prière suppliant les sept frères de se réconcilier.
Ce jour spécial célèbre également la fin de la saison des vendanges. On apporte alors devant le chef Huikai toutes sortes de plats, préparés avec les fruits des différentes récoltes. Les femmes s'entraînent alors dans une danse rythmée par les voix profondes de leurs compagnons. Mais nous n'oublions pas que la nature va maintenant s'endormir pour quelques mois, passer l'hiver afin de mieux rendre au printemps. Ce cycle est assimilé à celui de la vie et de la mort, et marque ainsi le moment pour les âmes des défunts de l'année de rejoindre les étoiles. On chante leurs louanges en se souvenant des services rendus à la tribu. Enfin, ce matin de Matariki est également la présentation du fils du chef, lorsqu'il arrive en âge d'apprendre ses responsabilités. Pour Tautahi, cela revêt une importance d'autant plus grande car il reçoit la charge de renforcer une autre communauté qui se trouve dans un village plus au nord. Cet endroit se développera au fil des siècles, et fut baptisée Ōtautahi en hommage au grand chef qu'il a été.
Plus connue aujourd'hui sous le nom de Christchurch, cette ville possède toujours un très fort attachement aux célébrations de Matariki, organisant des concerts, des danses, de la cuisine traditionnelle, des expositions d'arts, ainsi qu'un spectacle de cerfs-volants représentants des baleines et des raies géantes. (Je n'ai pas encore saisi le lien de celui-ci). La Nouvelle-Zélande marque spécialement ce 14 juillet dans son calendrier depuis 2000, a octroyé un jour férié à cette occasion en 2022. Nous connaissons la constellation de Matariki sous le nom des Pléiades, en référence à 7 sœurs de la mythologie grecque. Disons que celle-ci fut plus connue que la mythologie maorie.
PS : Oui, j'ai déjà fait un discours à moitié en anglais et l'autre en maori devant une tribu, après avoir reçu en cadeau une fougère tressée. J'en retiens que l'expérience était stressante mais enrichissante ! Cette photo date de février dernier.
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