Kaikōura, le rendez-vous des baleines

Ce que je pensais être rêve est devenu vrai, j'ai rendu visite aux baleines en avion. Je ne suis pas sûr que cette phrase transmet vraiment toute l'excitation qui me traversait au moment où j'hurlais à travers le cockpit « Whale ! Whale ! », en agitant frénétiquement mon bras à gauche du petit appareil survolant l'océan. Réaction automatique de notre pilote, qui effectue un arc de cercle en plongeant vers les eaux à la rencontre de l'animal le plus massif de la Création. Il s'agit d'un mâle de plus de 20 mètres de long, venu saluer la surface pour respirer. En effet, la baleine n'est pas un poisson mais bien un mammifère doté de poumons. La respiration est pour elle un acte pleinement conscient, qu'elle réalise après des plongées d'environ une heure. Après quelques mouvements de queues très impressionnants, nous reprenons de l'altitude à la recherche cette fois-ci de dauphins. Nous les apercevrons rapidement, jouant autour d'un amas rocheux au large de la plage de Kaikōura.

Cette petite ville de pêcheurs est connue en premier lieu pour la chasse aux écrevisses. Son nom le rappelle d'ailleurs en maori : kai signifie manger, et kōura signifie écrevisse. Kaikōura se trouve idéalement là où l'immense océan rencontre les sommets enneigés. Depuis toujours terre natale de la tribu maori Ngāi Tahu, cette péninsule stratégique et riche en ressources fut le théâtre de nombreuses batailles et tentatives d'invasions, dont la plus meurtrière en 1828. Moins de 20 ans plus tard, les colons européens installèrent à Kaikōura un centre de recherche sur la faune marine, et spécialement les baleines. Cela attira beaucoup de passage dans la ville avant que le centre ne soit abandonné en 1922. S'en est ensuit un retour des communautés locales à des activités de ferme et de pêche, instituant à travers les générations un savoir-faire unique. Aujourd'hui encore, une grande partie de l'économie locale repose sur cet art, même si le reste s'appuie davantage sur le million de touristes par an dans ce village aux 2000 habitants.

Si l'endroit ressemble facilement à un havre de paix, ce petit peuple reçut une nouvelle particulière un jour de novembre 2016. Il était de magnitude 7,8 et annonçait que Kaikōura se trouve exactement sur une faille sismique. En deux minutes exceptionnellement longues au milieu de la nuit, le séisme détruisit nombre de batiments, de routes, et changa le paysage à jamais. Tout le long de la côte sur une centaine de kilomètres, la terre s'est élevée de plus d'un mètre et demi, révélant de nouvelles formations rocheuses venues remplacer des plages de sable fin. J'ai recueilli le témoignage d'une habitante de Kaikōura qui se souvient parfaitement de cette nuit là. Ce fut apparemment une immense surprise car rien de pareil ne s'était produit dans la région avant, et l'événement engendre maintenant l'angoisse que cela ne se répète à n'importe quel instant.