Je le savais fou, mais pas à ce point là... J'ai croisé la route de ce jeune gallois sur un parking aux environs de Rotorua. Depuis cette rencontre, nous n'avons cessé de nous lancer différents défis physiques plus ou moins réalisables. Parmi les idées impossibles se trouvait le Northern Circuit dans le Tongariro : 45km de volcans à traverser en moins de 6 heures. On l'a fait. Le problème de l'adrénaline est qu'une injection doit toujours être plus forte que la précédente pour que le corps s'en satisfasse. Aled a donc décidé de frapper plus fort encore, dans la nouvelle région de Nouvelle-Zélande qu'il explorait : Taranaki. Ce volcan actif est un cône parfait culminant à 2518 mètres, et dont l'aventure au sommet s'apparente souvent plus à l'escalade qu'à la randonnée. Notre aventurier en quête de sensation se lance alors le défi de gravir cette montagne iconique le plus de fois en 24h, tentant de briser le record établi à 4 ascensions depuis plus de 11 ans. Jour J : le lundi 20 mars 2023, l'application Strava enregistre un parcours de 63,3 kilomètres en 13 heures et 14 minutes, avec un dénivelé positif de presque 8000 mètres. (Le mont Everest culmine à 8849 mètres). Il aura grimpé Taranaki Maunga cinq fois en l'espace de 21 heures, mission accomplie, record battu. On lui demande maintenant des selfies au supermarché et en randonnée, il est le roi de Taranaki !
Aled Lees a 24 ans et pèse 55 kilos. Originaire d'un petit village au Pays de Galle, il travaillait dans une boutique de réparation de vélos avant de partir à l'exploration du grand monde en décembre 2022. Lassé d'une routine sans ouverture, il ne veut pas s'enfermer dans ce modèle et décide de vivre le plus intensément possible sa jeunesse. Cela passe particulièrement par le dépassement physique de soi, flirter avec ses limites et ses peurs, pour se retrouver et se construire. Voyage d'improvisation, Aled cherche à être surpris, il est attentif aux opportunités qui se présentent et ne dira jamais non à l'aventure. Pourtant, il a conscience que cette personnalité est une nouveauté dans sa vie. Si le désir de s'abandonner au voyage l'habite depuis longtemps, il n'avais jamais vécu réellement ce que cette liberté pouvait signifier pour lui.
Dans la multitude d'activités qui l'animent alors, il trouve quand même le temps de donner des nouvelles à ses anciens amis, les gens qu'il a laissé derrière. Mais inévitablement, un écart se creuse. Eux n'ont pas changé, ne sont pas sortis de leurs soirées alcoolisées et de leurs grasses matinées. Difficile de leur en vouloir, ils n'ont jamais connu autre chose, ni même ne sont conscients qu'il y a autre chose. Aled tente par sa nouvelle vie de leur témoigner à quel point le monde est beau au-dehors, que la vie ne se résume pas à une suite de jours tous plus pareils les uns que les autres. La mission est compliquée, on lui dit qu'on ne le reconnaît plus, qu'on n'est pas sûrs de le voir rentrer. Il avait conscience que cet écart apparaîtrait, mais continue dans ce chemin de construction qu'il croit être le bon.
J'apprécie sa compagnie spécialement parce qu'il trouve du défi et de l'intérêt dans tout ce qu'il fait. Aled possède en lui en quantité d'énergie exceptionnelle, qui se révèle par une excitation toujours plus grande à chaque petit événement de la journée. On retrouve ce désir de faire à chaque fois mieux autant dans la montagne qu'en faisant la vaisselle, et la même ardeur à travailler le jardin et la langue française. Cette manière d'appréhender le monde rend la vie simple, et permet de profiter à chaque instant de ce qu'il nous est donné de vivre. Aled est l'une de mes plus belles rencontres en Nouvelle-Zélande.
Comments